Par recommandé

Office fédéral de l’aviation civile

Direction

3003 Berne

A l’att. de MM. Roger Bosonnet et Serge Collaud

Section Plan sectoriel et installations

 

v/réf.  31-06-3561 / cos

Concerne :   Aéroport international de Genève (AIG) / suivi de la décision de la Commission fédérale de recours en matière d’infrastructures et d’environnement du 23.3.2006 (cause no. Z-2001-79

Genève, le 30 avril 2010

Messieurs,

Au nom de l’Association des Riverains de l’Aéroport de Genève Cointrin (ARAG), je vous communique, dans le délai prolongé, les observations suscitées notamment par la prise de position du 23 décembre 2009 de l’Office Fédéral de l’Environnement (OFEV).

1.                   De manière générale, l’ARAG soutient les propositions de l’OFEV, estimant cependant que les mesures à prendre doivent être plus immédiates et concrètes. L’ARAG formulera ci-après, de manière circonstanciée et documentée, un certain nombre de propositions permettant de restreindre, de manière efficace, les nuisances sonores du trafic nocturne, de manière à atteindre une situation qui ne représente, finalement, que le respect de la loi (valeurs limites).

2.                   L’ARAG souligne en particulier, comme elle l’avait déjà fait précédemment, que les documents avancés par l’AIG ne permettent pas une pesée des intérêts en présence correcte. En effet, comme l’a relevé l’OFEV dans sa prise de position, les études présentées par l’AIG sous-estiment considérablement (d’un facteur de 1 à 3) le périmètre d’impact et le nombre d’habitants touchés par les nuisances sonores nocturnes.

3.                   L’ARAG soutient également les constatations de l’OFEV, selon lesquelles la présentation des coûts des mesures d’assainissement est erronée et peu claire, de sorte que l’on ne peut les opposer raisonnablement à des bénéfices concrets, tant du point de vue de la santé que d’un point de vue économique (valeurs immobilières), qui seraient réalisés par un système de restrictions du trafic nocturne tel que proposé ci-après par l’ARAG.

4.                   L’ARAG soutient bien évidemment toute interdiction des avions bruyants la nuit, voire le soir, en tout état de cause au-delà de 22 heures. Aucun mouvement d’avions du chapitre II ne doit être autorisé au-delà de 22 heures, les retards ou dérogations étant à cet égard inadmissibles.

5.                   L’ARAG soutient évidemment la proposition de l’OFEV, à laquelle l’AIG d’ailleurs ne s’oppose pas, de la suppression de la trajectoire KONIL au-delà de 22 heures. L’ARAG avait d’ailleurs préconisé la suppression de cette trajectoire purement et simplement, également pendant les heures diurnes.

6.                   Comme l’a relevé l’OFEV dans sa prise de position, une partie importante de la problématique du dépassement des valeurs limites par le trafic aérien nocturne provient des vols retardés. Comme il sera exposé en détail ci-dessous, l’ARAG s’est particulièrement intéressée à ces retards et formule des propositions, fondées sur une analyse minutieuse des horaires et du trafic concret, qui non seulement sont parfaitement réalisables, sans provoquer des coûts excessifs, mais seraient efficaces (voir pour le surplus une analyse détaillée des vols retardés pour l’été 2009 et le mois de mars 2010 (en Anglais).

7.                   Les propositions ci-dessous sont fondées sur l’instauration d’un couvre-feu, dans la mesure où il est patent, comme on a pu le constater, que l’instauration d’un système de surtaxe bruit n’a aucune efficacité : en réalité, il ne représente, économiquement, que le prix que paient les compagnies qui souhaitent « acheter » le droit d’opérer des mouvements au-delà de 22 heures.

I.              Propositions concrètes de l’ARAG

8.                   Ces propositions s’inscrivent dans les injonctions données par la CRINEN dans sa décision et visant à la faisabilité, mais également l’efficacité, de mesures de restrictions du trafic aérien, notamment nocturne. Les propositions procèdent d’une analyse sérieuse des conditions du trafic de l’AIG et s’opposent à l’absence de toute véritable volonté politique et décisionnelle de l’AIG d’envisager des mesures efficaces. La précision des propositions sera opposée aux lacunes des études proposées par l’AIG, dont l’OFEV a elle-même relevé que, s’agissant des coûts, elles étaient inutilisables dans la pesée des intérêts. Il n’en va pas de même des propositions qui suivent, dont la faisabilité est immédiatement démontrable et démontrée.

9.                   Les propositions tiennent compte également des développements économiques récents qui ont affecté de manière significative l’évolution et la planification des mouvements aériens, une situation qui a pour effet de rendre obsolètes toutes prévisions de trafic précédemment émises.

10.               Les propositions qui suivent sont fondées sur une analyse détaillée de tous les mouvements d’aéronefs à l’Aéroport international de Genève durant les deux dernières années. Dans le cadre de la présente procédure, lorsque l’AIG (observations du 5.10.2007) a produit les rapports EMPA (8.7.2007) et SH&E (mai 2007), tous les détails des mouvements d’aéronefs, en particulier des vols autres que ceux qui faisaient partie de l’horaire régulier des compagnies aériennes, n’étaient pas disponibles pour le public en général.

11.               Cependant, en avril 2008, l’introduction d’un système d’interrogation des mouvements aériens utilisant la technologie web (Indicateur de Mouvements du Trafic à l’Aéroport de Genève, IMTAG) a permis une évaluation précise de la situation actuelle, en comparaison avec les prévisions qui dataient d’il y a plusieurs années. Cette situation actuelle est très éloignée des prévisions d’il y a cinq ans (qui elles-mêmes d’ailleurs ne semblaient pas conformes à la réalité à l’époque).

12.               Les documents faisant l’objet de la présente proposition, ainsi que les documents d’analyse, sont disponibles sur le même site (http://www.aragge.ch/CRINEN), avec ainsi la possibilité de mettre les différents documents en relation.

II.            Résumé des requêtes et propositions de l’ARAG

13.               L’ARAG propose tout d’abord l’instauration de deux couvre-feux, l’un de nuit, l’autre du matin.

14.               L’ARAG propose premièrement un couvre-feu du trafic aérien à partir de 23 heures, avec une période de tolérance initiale d’une heure, à réduire par la suite à 30 minutes (comme aujourd’hui). L’ARAG précise d’emblée que doit être considéré de manière spéciale le dernier vol Swiss de Zurich à Genève, (actuellement à 23h15) mais qui présente une grande qualité de ponctualité. L’ARAG admet que ce vol doit pouvoir faire l’objet d’une dérogation dans la mesure où il s’agit d’un vol important pour la Suisse, bien qu’il soit préférable de le prévoir à l’horaire 30 minutes plus tôt.

15.               Deuxièmement, l’ARAG propose un couvre-feu du matin jusqu’à 07 heures, avec pour seules exceptions les vols en provenance de Zurich et pour les atterrissages de vols long courrier qui arriveraient en avance du fait des conditions météorologiques.

16.               Troisièmement, l’ARAG estime qu’il n’est pas réaliste d’imposer un couvre-feu général le dimanche et les jours fériés, dans la mesure où les compagnies ne peuvent que difficilement prévoir ce genre d’exception alors que leur horaire fonctionne souvent sept jours par semaine. Toutefois, sur ce point, l’ARAG propose que la planification à l’horaire avant 08 heures de tels vols ne puisse être acceptée par l’AIG qu’à la condition que le vol s’effectue pour un nombre important de passagers, utilise des avions modernes et silencieux, et de manière ouvertement documentée.

17.               Quatrièmement, l’ARAG estime que les surtaxes bruit pour départs tardifs d’avions bruyants n’ont d’autre effet que d’augmenter les fonds de l’AIG – certes pour le fonds environnement - mais pour permettre aux compagnies concernées « d’acheter » le droit d’effectuer des mouvements tardifs. Par ailleurs, il n’y a pas de pénalité particulière pour les mouvements excessivement tardifs, soit ceux survenant dans la période de grâce finale, actuellement entre minuit et 0h30. L’ARAG propose donc que soient prévues des surtaxes significatives pour de tels vols, dont le revenu devrait être versé aux communes survolées par lesdits vols. Par ailleurs, l’on doit imposer à l’AIG l’obligation de fournir des explications détaillées au public et aux autorités qui le demandent, notamment communales, sur les motifs et les raisons d’un tel événement tardif. De telles explications détaillées doivent être fournies pour tous les vols pour lesquels l’AIG accorde en outre des dérogations, comme par exemple les mouvements intervenant à un moment où l’aéroport est normalement fermé au trafic commercial.

18.               Cinquièmement, à l’époque de la transparence administrative (LIPAD à Genève), il n’est pas acceptable de ne voir figurer sur le site de l’AIG que les mouvements d’aéronefs des compagnies aériennes majeures, à défaut d’autres mouvements aériens, alors qu’il est facile de rendre accessible un minimum d’informations comme l’heure, la compagnie, l’identification du vol et la mention de tout retard. L’ARAG propose donc que l’AIG ait l’obligation de fournir ces informations additionnelles sur son site internet, en permettant au public de voir quels sont les vols commerciaux planifiés autres que les vols normaux, avec des indications sur leurs retards éventuels.

19.               Sixièmement, l’ARAG propose un système permettant de manière efficace de décourager la venue d’aéronefs particulièrement bruyants à des heures inacceptables, en limitant la fenêtre temps durant laquelle les mouvements des avions faisant partie d’une classe bruyante peuvent être programmés. Cette fenêtre temps doit se réduire d’une heure le matin et le soir pour chaque niveau de classe. Durant une période transitoire, un régime permettant d’accepter l’arrivée plus tôt le matin de vols longs courriers, dans la mesure où de nombreux vols utilisent actuellement des Boeing 767 appartenant au chapitre III.

III.           Instauration d’un couvre-feu nocturne dès 23 heures

20.               La nuisance la plus perturbante pour les riverains de l’aéroport, est la tolérance de mouvements pour les compagnies aériennes en retard d’atterrir jusqu’à 0h30, sans ou avec très peu de pénalités. Dès lors, avancer le couvre-feu à 23 heures est la mesure la plus efficace en termes de gain de santé et la plus importante sollicitée par l’ARAG dans le cadre de cette proposition. Ce qu’implique en pratique une telle proposition est développé en annexe, sous pièce 1 en détail, pour ne pas alourdir le présent exposé.

21.               En substance, le couvre-feu serait avancé de minuit à 23 heures, tout en maintenant un délai de tolérance de 30 minutes, voire 60 minutes au départ, à réduire par la suite.

22.               La pièce 1 annexée se fonde sur une analyse effectuée par rapport aux principales catégories d’atterrissage ou de décollage tardif. Ces mouvements sont segmentés entre vols commerciaux réguliers des compagnies aériennes classiques ou low cost, vols transportant exclusivement des marchandises et autres atterrissages et décollages.

23.               Dans l’examen des implications pratiques, l’analyse effectuée tient compte des différents arguments avancés par l’AIG ainsi que les rapports de l’EMPA et SH&E. L’analyse démontre que ces arguments, dont certains pouvaient avoir une certaine validité par le passé, ne suffisent plus aujourd’hui à justifier les conséquences économiques présentées de manière aussi catastrophique par l’AIG.

24.               L’un des principaux arguments de principe avancé dans le rapport de SH&E était :

« Si les derniers vols en provenance de hubs ne pouvaient pas atteindre Genève avant les heures prolongées de couvre-feu, ces vols seraient annulés ».

25.               L’analyse montre que tous les vols de retour des hubs, à l’exception du vol tardif de Swiss en provenance de Zurich et un seul retour durant l’été seulement de TAP en provenance de Porto (hub que l’on peut qualifier de faible importance) sont planifiés bien avant 23 heures, et sont très ponctuels. Quant aux vols depuis Zurich, Swiss en opère un plus tôt dans la soirée (à 20h35), qui correspond à l’horaire normal pour les vols de retour de hubs. Le vol tardif est donc un vol interne spécial pour des voyageurs d’affaires suisses, et devrait bénéficier d’un traitement particulier.

26.               Ce sont les différents vols de retour d’EasyJet Switzerland, sur leur dernière rotation vers Genève, qui montrent une très regrettable (et pourtant évitable) tendance aux retards. Bien que tous ces vols soient planifiés pour atterrir avant le vol Swiss en provenance de Zurich, en pratique, au moins un avion d’EasyJet atterrit souvent plus tard. Ainsi, pour le mois de mars 2010, les statistiques le confirment pour 22 des 31 nuits (et ce sans tenir compte de plusieurs retours d’EasyJet qui, bien que planifiés, n’ont pas eu lieu).

27.               L’analyse montre qu’Easyjet Angleterre, pour sa dernière rotation au départ de Genève vers l’Angleterre, n’a pas du tout cette même culture du retard. Cette compagnie doit être dès lors forcée de gérer ses horaires avec plus de rigueur. EasyJet Angleterre montre que cela est possible. Un abaissement progressif du couvre-feu en serait une bonne incitation.

28.               Un couvre-feu à 23 heures ne poserait quasiment aucun problème pour les décollages régulièrement planifiés, puisque tous le sont avant 22 heures. Seul reste à mieux planifier le vol régulier d’Air Mauritius, qui, bien qu’utilisant un avion bruyant, a été planifié après 22 heures durant la période d’hiver 2009/2010, ainsi qu’un petit nombre de décollages en retard de jets d’affaires.

29.               Ni la commodité des départs des jets d’affaires, ni celle d’Air Mauritius ne justifie donc à elle seule la conservation d’un couvre-feu à minuit.

30.               Il découle donc de l’analyse détaillée figurant à la pièce 1, résumée ci-dessus, qu’un couvre-feu à 23 heures, avec un délai de grâce initial d’une heure, s’abaissant ensuite progressivement à 30 minutes, complété par une dérogation pour le vol Swiss interne en provenance de Zurich, est parfaitement réalisable. Ce couvre-feu contribuerait de manière efficace et considérable à une plus longue période d’endormissement et de repos de nuit pour des dizaines de milliers de riverains de l’aéroport. En termes de faisabilité, le rapport coût-bénéfice est manifeste.

IV.           Introduction d’un couvre-feu matinal

31.               L’ARAG propose d’instaurer un premier couvre-feu chaque matin jusqu’à 07 heures, ainsi qu’un couvre feu partiel jusqu’à 08 heures durant les week-ends. Cette proposition démontre que, au regard de coûts et perturbations maîtrisables du trafic, la durée de repos des riverains est considérablement améliorée.

32.               Le détail de l’analyse conduisant à cette proposition figure en annexe sous pièce 2.

33.               Un examen rigoureux des mouvements d’avions actuels démontre qu’aucune des raisons invoquées par l’AIG, voire les rapports qu’elle a commandités, ne permet de refuser l’instauration d’un couvre-feu de 06 heures à 07 heures. La seule véritable exception, qui peut faire l’objet d’une discussion comme cas spécial, est le vol effectué par Swiss, quittant Genève à 06 heures vers Zurich.

34.               Les plus fortes objections de l’AIG concernent la compagnie EasyJet Suisse, dont presque la moitié des vols décolle chaque jour avant 07 heures. Toutefois, l’analyse annexée démontre que l’effet sur Easyjet Suisse d’un tel couvre-feu serait marginal et pourrait être compensé en modifiant légèrement les horaires, et, surtout, en améliorant la ponctualité des vols.

35.               Cette proposition implique évidemment l’obligation d’accepter des vols longs courrier arrivant en avance sur l’horaire planifié. Il conviendrait d’instaurer un délai de grâce permettant aux avions en avance sur leur horaire, d’atterrir. Ce délai de grâce permettrait également à l’AIG de donner des dérogations pour des événements imprévus et exceptionnels.

36.               Comme pour la période de tolérance existant de minuit à 0 h30, l’ARAG demande dans la mise en place d’une telle proposition, que l’utilisation effective des périodes de grâce fasse l’objet d’un rapport détaillé, non seulement entre l’AIG et l’OFAC mais également accessible au public. Les riverains de l’aéroport ont en effet un intérêt digne de protection à savoir pourquoi et selon quels critères ils devraient tolérer la perturbation supplémentaire à des heures particulièrement indues du matin ou de la nuit.

37.               En conséquence, l’ARAG estime qu’il n’y a pas de raison valable pour renoncer à l’instauration d’un tel couvre-feu, en précisant que les dérogations nécessaires pourraient être accordées.

V.             Accès du public à l’information

38.               La protection des riverains, et les mesures qu’ils peuvent requérir en démontrant leur faisabilité, passe par une information suffisante, utilisant les supports d’information déjà mis en place par l’AIG, mais en en améliorant le contenu.

39.               Ainsi, l’ARAG demande que le règlement d’exploitation impose à l’AIG de mettre à disposition sur ses pages web, tout en respectant le cas échéant la confidentialité nécessaire, des informations additionnelles concernant les mouvements de vols commerciaux, en particulier l’identification de la compagnie aérienne opérant le vol, l’horaire officiel et l’arrivée ou le départ prévu réel, et le cas échéant, l’aéroport partenaire concerné.

40.               Avec ses moyens limités, l’ARAG a installé à proximité de l’Aéroport international de Genève des stations de monitoring du bruit et des mouvements utilisant les structures internet de l’European Aircraft Noise Services (EANS). Dès lors, dans la mesure où la politique de management environnemental de l’aéroport se fonde notamment sur l’utilisation du système MIABA, il n’y a aucune raison, en outre dans un monde moderne de transparence de l’administration, que les informations du système MIABA ne soient pas disponibles de la même façon pour les riverains et toutes personnes intéressées.

41.               Le relevé des nuisances sonores distribué à la commission consultative notamment, devrait également être à disposition du public ainsi que les rapports soumis à l’OFAC et détaillant les motifs de dérogation ou d’arrivée tardive. Il n’y a aucune raison pour que le public en général ne dispose pas de cette base d’informations.

VI.           Réduction de la fenêtre temps d’opération en fonction de l’appartenance des avions aux chapitres II à V.

42.               Dans la mesure où le système des surtaxes bruit est inefficace, en particulier pour les avions les plus bruyants, l’ARAG propose un système simple et incitatif, qui consiste à mettre à disposition des avions des fenêtre quotidiennes temps réduites en fonction de leur classe, cela pour tous les avions ne faisant pas partie de la classe de bruit AIP V.

43.               L’ARAG propose que pour les avions de la classe IV, la réduction soit d’une heure le matin et le soir, et de deux heures pour les avions des chapitres I, II et III.

44.               Ce système doit être complété par l’imposition d’une surtaxe bruit significative pour tous les mouvements ayant lieu dans la fenêtre de tolérance de retard (actuellement entre minuit et 00h29) et, dans le système proposé, dans la marge de tolérance suivant la fenêtre temps réduite.

45.               Le système doit être en outre renforcé par des obligations d’information strictes de l’AIG  et un système restrictif de dérogations qui, d’une part, doivent rester tout à fait exceptionnelles, voire interdites pour les avions les plus bruyants et, d’autre part, doit faire l’objet d’une information et documentation précises disponibles pour le public. Ainsi, par exemple, les rapports de l’AIG à l’OFAC sur chaque dérogation ou chaque événement de retard, avec leurs motifs, qui sont aujourd’hui groupés et communiqués régulièrement (mensuellement ?) à l’OFAC, doivent être accessibles au public, du moins dans une forme déterminée, mais qui permet une information suffisante sur la rigueur avec laquelle l’aéroport applique les règles de protection contre le bruit  nocturne.

46.               Ces propositions sont réalisables, si du moins les critères mentionnés ci-dessus sont appliqués à l’établissement des horaires des vols programmés et commerciaux.

47.               En effet, déjà actuellement, les horaires de l’été 2010 ne prévoient pas en principe de départ après 22 heures et n’incluent pas d’arrivées après minuit.

48.               S’agissant de l’aviation échappant aux horaires réguliers, les charters et l’aviation générale, les mêmes critères doivent être appliqués par l’AIG pour les autorisations de décollage et d’atterrissage.

49.               En application de la législation déjà en vigueur, des exceptions/ dérogations peuvent être octroyées (art. 39 d OSIA). Toutefois, les critères d’octroi de ces dérogations doivent être fixés de manière claire, pour en faire des cas exceptionnels, et tout à fait exceptionnels voire impossibles lorsqu’il s’agit d’avions bruyant appartenant aux chapitres I, II et III. Les rapports de l’AIG concernant les dérogations doivent permettre de vérifier le respect des critères stricts et du caractère exceptionnel.

50.               L’exception ou un traitement spécial devrait être admis pour les premiers et derniers mouvements quotidiens de Swiss pour et en provenance de Zurich.

51.               A l’évidence, les circonstances naturelles exceptionnelles, notamment météorologiques, sont parmi celles que l’on doit retenir pour permettre de telles dérogations.

52.               Un monitoring des mouvements de l’AIG sur ces derniers mois a révélé un nombre important de mouvements exceptionnels, en dehors des horaires et tolérances, sans que l’on ne puisse connaître la moindre justification. En l’absence d’une telle justification, ces dérogations devraient être considérées comme illégales et interdites.

53.               L’exemple le plus significatif est celui du décollage de l’Airbus 340-300 d’Air Mauritius. Il s’agit d’un avion plein, s’élevant au décollage lentement et bruyamment. Les relevés de bruit montrent, en tout cas lorsque le départ a lieu en piste 23, au-dessus de Vernier, qu’il s’agit du mouvement quotidien le plus bruyant, les statistiques montrant en outre que ce vol de soirée est en moyenne en retard de plus d’une heure.

54.               Durant l’hiver 2008-2009, ce vol était programmé pour décoller de Genève à 18h30 chaque vendredi soir. Pendant l’hiver 2009/2010, il a été reprogrammé pour atterrir à Genève, venant de Francfort, et en repartir à 22h30, parfois deux fois par semaine.

55.               En provenance de Francfort, le résultat est ainsi aussi désastreux qu’inévitable (sauf à reprogrammer différemment) : nombreux départs très tard (après 23 heures), voire même après minuit ou même après la marge de tolérance de 00h30 !

56.               En appliquant la proposition ci-dessus, ce vol devrait impérativement être programmé avant 20 heures et la limite, pour un départ sans dérogation, serait dès lors automatiquement à 22h30. La compagnie serait ainsi forcée de respecter les normes suisses, en programmant un vol direct de Genève, le cas échéant en passant par Francfort ou Munich.

57.               Un deuxième cas régulier et particulièrement perturbant de dérogation exceptionnelle non justifiée est celui du vol de fret vers la Chine, par un Boeing 747-400 de JADE.

58.               Cet avion fait partie du chapitre II et est encore plus bruyant que l’Airbus A 340-300 d’Air Mauritius mentionné ci-dessus. Il décolle plusieurs fois après 22 heures, voire même après 23 heures. Interrogé sur ce point, l’OFAC se retranche derrière le fait « purement formel » que le départ de ce vol est programmé à 21h55, ce qui autoriserait des dérogations même jusqu’à 00h30. C’est une façon inacceptable de se bander les yeux et de mépriser le réel problème du repos nocturne de larges populations riveraines de l’aéroport.

59.               La faisabilité des propositions qui précèdent dépend également de l’analyse de ses effets sur le trafic des différentes compagnies aériennes basées à Genève. Il s’agit essentiellement de Baboo, EasyJet et Swiss. En se fondant sur les données recueillies par le système d’identification des mouvements mis en place par l’ARAG, une évaluation a été faite pendant l’été 2009.

60.               Les résultats de cette analyse peuvent être résumés de la manière suivante :

Baboo

Cette compagnie base à Genève cinq aéronefs, soit deux turbopropulseurs DHC-8 et 3ERJ-190, avions à réaction de la classe V. Ces avions font normalement trois rotations par jour, et ne sont donc généralement pas en vol plus de dix heures quotidiennement. Ils ne sont pas programmés pour partir avant 7 heures le matin et leur retour à Genève est programmé généralement avant 22 heures. Les obligations de ponctualité sont en principe raisonnablement respectées. Ainsi, la restriction ci-dessus proposée n’aurait pas d’effet, voire un effet que très marginal sur l’activité de Baboo.

EasyJet Suisse

61.               EasyJet Suisse utilise neuf avions basés à Genève, soit huit Airbus A 319 et un Airbus A 320 utilisé pour de plus longues distances. Ce sont tous des avions modernes du chapitre V.

62.               Environ la moitié des ces avions fait trois rotations par jour, les autres quatre. Ils sont en général programmés pour voler pendant 12 heures quotidiennement en moyenne, soit plus que Baboo et Swiss. L’intervalle de rotation programmé (le temps entre l’arrivée programmée sur un aéroport et le départ programmé) est généralement planifié dans un intervalle d’à peine plus de 30 minutes.

63.               La moitié des avions est programmée pour le premier vol entre 06 heures et 07 heures le matin, l’autre moitié entre 07 heures et 08 heures. Pour les arrivées en soirée, la quasi-totalité des avions est programmée pour arriver entre 22 heures et 23 heures, une minorité avant 22 heures.

64.               Les conséquences de cet état de fait, notamment du bref délai de rotation au sol (30 minutes), ont des effets désastreux sur la ponctualité des vols d’EasyJet Suisse. Cela a notamment pour conséquence qu’environ un tiers des arrivées nocturnes programmées aux environs de 22 h 30 se trouvent décalées après 23 heures.

65.               Les graphiques versés sous pièces 3 et 4 montrent la très mauvaise performance des avions d’EasyJet Suisse basés à Genève en termes de ponctualité, en comparaison avec les vols des compagnies commerciales régulières, voir même des avions d’Easyjet Angleterre qui, de Genève rentrent en soirée en Angleterre pour rejoindre leur base.

66.               Ces graphiques, fondés sur une analyse minutieuse de tous les mouvements, montrent qu’il n’y a aucun justificatif à cette mauvaise performance, en termes de ponctualité, d’EasyJet Suisse, puisque les autres compagnies, même Easyjet Angleterre, sont capables de résultats raisonnablement acceptables en termes de retard.

67.               Il sied de préciser que cette analyse des retards est faite sur la base de données dont disposent l’AIG et l’OFAC depuis de nombreuses années. La détermination de l’OFEV recommande que les raisons de ces retards, qui sont une source majeure des perturbations nocturnes, soient examinées.

68.               Les présentes propositions ainsi que les analyses faites avec les simples moyens de l’ARAG démontrent d’une part qu’il est injustifiable et incompréhensible que ni l’AIG ni l’OFAC n’y aient procédé jusque là et que, d’autre part, une telle analyse doit leur être imposée à bref délai. Comme le montre la première analyse de l’ARAG, portant sur l’intégralité des mouvements, le résultat de cet examen permettra d’imposer à l’AIG et aux compagnies concernées, le respect strict des normes par une planification plus adéquate de leurs activités et mouvements.

Swiss Airlines

69.               A la connaissance de l’ARAG, Swiss utilise trois avions basés à Genève : un Airbus 319, un Airbus 320 et un Avro RJ 100. Tous ces avions font partie du chapitre V et font en général trois rotations par jour. Ils sont en vols en moyenne 11 heures par jour et leur temps de rotation au sol est d’environ 45 minutes. Cela semble permettre le rattrapage de petits retards, de sorte que les performances globales de Swiss Airlines en termes de ponctualité sont bonnes (comme le montrent également les graphiques versés sous pièces 3 et 4.

70.               Comme déjà mentionné, le vol LX 2818 de Swiss en provenance de Zurich, programmé à 23h15 doit être traité comme un cas spécial. En effet, l’analyse montre qu’il s’agit d’un vol à bonne ponctualité. Sur 356 atterrissages enregistrés en 2009, 37,3% étaient en avance sur l’horaire, 48% en retard de moins de 15 minutes et 9,2% présentaient un retard entre 15 et 30 minutes. Seuls 2,8% présentent un retard entre 30 et 45 minutes (mais avant minuit). Seuls 6 mouvements de ce vol ont eu lieu après minuit, et un seul de ces six est arrivés après 00h30 (le 19 décembre 2009, apparemment une soirée perturbée par la météo).

71.               S’il existe une réelle volonté de prévoir des mesures efficaces, ce qui précède démontre qu’un système relativement simple, permettant des exceptions bien documentées et justifiées, est réalisable sans imposer de grandes contraintes aux trois compagnies essentiellement concernées, sauf à EasyJet Suisse. Toutefois, les contraintes qui doivent être imposées à cette société sont des plus raisonnables puisqu’il s’agit d’imposer une planification permettant de respecter la loi, la même compagnie (EasyJet Angleterre) démontrant que, si elle le veut, elle est en mesure de le faire.

72.               C’est la raison pour laquelle, sur ce point, voire d’autres points résultant des propositions faites par l’ARAG, l’ARAG demande à ce que l’OFAC entende, dans une réunion contradictoire avec la participation des représentants de l’ARAG, portant sur la faisabilité d’une planification d’horaire respectueuse des normes, la direction de l’AIG et la direction d’EasyJet. L’ARAG doit avoir la possibilité de présenter et développer oralement ses analyses.

VII.          L’inefficacité des surtaxes bruit

73.               La prise de position de l’OFEV fait référence à diverses reprises aux mesures déjà proposées dans le passé et déjà mises en application en tant qu’instrument de la lutte contre les nuisances sonores. En réalité, les surtaxes prélevées n’ont pas d’effet réel de protection contre les nuisances.

74.               L’ARAG appuie naturellement les constatations de l’OFEV lorsqu’elle préconise de poursuivre, voire accélérer la mise en place des mesures suivantes :

a)       Développement du processus d’évaluation et de validation des demandes de mouvements entre 22 heures et 6 heures avec composante bruit (similaire au processus en place pour les dérogations après minuit) ;

b)       Extension, à l’ensemble de l’aviation générale, de l’interdiction d’atterrissage et de décollage entre 22 heures et 6 heures, applicable aux vols non commerciaux ;

c)       Extension des mesures d’insonorisation des locaux à usage sensible au bruit ;

d)       Favorisation de l’usage de la piste 23 (par rapport à la piste 05, selon marge de manœuvre et conditions météorologiques) ;

e)       Améliorations dans le domaine des nuisances de l’aviation légère (y compris hélicoptères) ;

f)         Mise à jour de la classification des avions parmi les cinq classes de bruit, en particulier classe V ;

g)       Rééquilibrage et renforcement de l’effet dissuasif de la surtaxe bruit.

75.               Ces mesures ne doivent pas être prises en lieu et place d’autres mesures, en particulier pas en lieu et place des différentes possibilités de couvre-feu telles que proposées ci-dessus.

76.               L’ARAG demande à ce que l’AIG se concentre sur les mesures qui auront un impact direct et immédiat sur les nuisances sonores réelles plutôt que celles qui produiront accessoirement un revenu supplémentaire, mais que l’on doit alors consacrer à l’insonorisation.

Surtaxe complémentaire pour les décollages en retard

77.               Les mesures mises en place par l’AIG, qui sont opérationnelles depuis avril 2008, ont imposé un programme de surtaxe s’étendant de CHF 50.- à CHF 9'000.- par décollage pour des avions à réaction entre 22 heures et 6 heures, selon la classe de bruit des avions et la période du décollage. Les revenus ainsi perçus sont versé aux fonds environnementaux, plus de la moitié des dépenses environnementales étant ensuite consacrées à l’insonorisation des habitations.

78.               Le revenu généré (approximativement CHF 200'000.- en 2009) est faible lorsqu’il est mis en rapport avec l’entier des revenus.

79.               Par ailleurs, lesdites surtaxes n’ont aucun effet dissuasif. Le départ fréquent, régulier et le plus bruyant est celui du vol d’Air Mauritius A340. Pour ce vol, la surtaxe n’a eu manifestement aucun impact.

80.               Pour cet avion du chapitre III, la surtaxe a au contraire eu un effet inverse.

81.               Pour neuf mois en 2008, le montant encaissé pour les avions du chapitre III s’élevait à CHF 5'900.-. Ce revenu s’est élevé à CHF 49'900.- en 2009. 70% de ce revenu 2009 a été produit par le vol d’Air Mauritius.

82.               Le détail de ces chiffres montre un revenu par départ provenant de la surtaxe pour cet avion en moyenne de CHF 51.- en 2008, CHF 585.- en 2009 et CHF 1118.- dans les trois premiers mois de 2010. Il est ainsi évident que, sous réserve de quelques cas de retards inhabituels, la programmation de ce mouvement se fait de manière de plus en plus défavorable, malgré une augmentation de la surtaxe.

83.               Si l’on regarde plus en détail, cette dernière moyenne de CHF 1'118.-, qui peut paraître élevée en termes absolus, ne constitue en réalité qu’un quart des taxes totales payées pour chaque arrivée/ départ. Dès lors que cet Airbus transporte environ 300 passagers, chacun payant une moyenne d’au moins CHF 1'000.-, cela ne représente que 0,5% du revenu de chaque vol.

84.               Il est évident que la compagnie achète ainsi bon marché le droit de partir tard, au détriment de la santé des riverains. D’un autre côté, l’AIG voit augmenter les revenus provenant des surtaxes bruit disponibles pour l’insonorisation des bâtiments. Cela donne une image fausse de la situation dans laquelle, finalement, il n’y a que deux gagnants, la compagnie Air Mauritius et l’AIG, le tout, à nouveau, au détriment des populations riveraines.

85.               A l’autre bout du spectre de bruit se trouvent les vols commerciaux d’avions modernes faisant partie du chapitre V. La moyenne des surtaxes payées pour des départs retardés de tels avions est d’environ CHF 150.-, ce qui constitue un montant négligeable. Ce montant est faible comparé au total des taxes d’atterrissage et de décollage que paie cette catégorie d’aéronef. Dès lors qu’un cinquième des avions d’EasyJet UK regagnant l’Angleterre pour leur dernière rotation quotidienne le font après 22 heures, il semble évident qu’une surtaxe de CHF 30.- par départ est un prix ridicule à payer pour obtenir le droit finalement d’effectuer un mouvement retardé par rapport à l’horaire officiel.

86.               En ce qui concerne les petits jets d’affaires, comme par exemple le Cessna Citation 560 XL, qui a décollé de l’Aéroport international de Genève le dimanche de Pâques à 23h10, le caractère ridiculement bas de la surtaxe est encore plus évident. Pour ce type d’avions, avec une capacité de passagers de 7 à 10 personnes, l’opérateur paie une surtaxe bruit d’environ CHF 200.-. Selon les informations de l’ARAG, un tel vol, en fonction naturellement de sa destination, peut coûter CHF 50'000.-. Dès lors, pour une augmentation d’environ 0,4% du prix, la société opérant le jet privé peut sans autres offrir à ses clients des départs retardés à une heure tardive, pour un faible nombre de passagers, réveillant une large population riveraine.

87.               Il découle également de ce qui précède que toute la procédure d’autorisation pour des mouvements retardés, notamment après minuit, et des dérogations, doit être rendue accessible, de manière à ce que l’on puisse sérieusement instaurer un système qui, lors de l’octroi d’autorisations ou de dérogations, tiendra compte également du nombre de passagers concernés, sachant qu’un jet d’affaires partant très tard provoque généralement la même nuisance sonore qu’un avion à réaction moderne de grande capacité.

88.               L’usage des revenus des taxes et surtaxes bruit pour l’utilisation de l’insonorisation des bâtiments est une chose positive. Toutefois, il s’agit d’un moyen séparé et indépendant permettant de compenser les nuisances, qui ne doit diminuer en rien l’obligation de l’AIG de lutter contre le bruit à la source. C’est le fondement et toute l’importance des mesures et propositions faites par l’ARAG, notamment au regard des nuisances sonores nocturnes.

89.               Enfin, il est impératif que la liste des avions aux cinq catégories de bruit soit révisée périodiquement. La liste actuelle date de l’année 2000. Cela a pour conséquence de faire figurer beaucoup de nouveaux avions dans les classes non bruyantes, qui contiennent ainsi des aéronefs dont le bruit demeure significatif et largement supérieur à celui d’avions plus modernes.

90.               La conséquence de cette révision des catégories de bruit des aéronefs ne doit pas être simplement une augmentation des revenus générés par la surtaxe bruit. Comme cela a été démontré ci-dessus, ces surtaxes n’ont aucun effet incitatif et ne constitue à aucun moment une véritable incitation pour les compagnies de passer à l’utilisation d’aéronefs plus modernes et plus silencieux. Dès lors, outre l’augmentation drastique des surtaxes bruit et de sa modulation en fonction de l’heure, du retard, des motifs de la dérogation et du nombre de passagers, il est impératif que de telles incitations découlent également de la classification des avions dans les différentes classes de bruit.

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L’ARAG demande dès lors que l’autorité de décision tienne compte des requêtes et propositions figurant dans les présentes observations, dans ses injonctions à l’AIG et les modifications à intervenir dans son règlement d’exploitation.

Nous vous prions de croire, Messieurs, à l’expression de notre parfaite considération.

                                                                                                                             Gérald Page

                                                                                                                             Avocat

Annexe : un bordereau de 5 pièces