Le cas en faveur d'un couvre-feu nocturne dès 23h

 

1. Introduction

Ce document concerne la proposition pour un couvre-feu nocturne dès 23h00. Il démontre que les diverses raisons invoquées par l'AIG pour refuser un tel couvre-feu sont irrecevables à la lumière des données actuelles sur le trafic aérien.

Afin de simplifier l'examen, et être complètement à jour, l'analyse se base sur les données rassemblées par le système IMTAG (Indicateur des Mouvements du Trafic Aérien à Genève) d'ARAG pour la période d'horaire d'été 2009 (29 mars 2009 au 24 octobre 2009), pour l'année complète 2009 et pour les mois de mars 2009 et de mars 2010.

Dans la demande CRINEN, concernant la rétention d'un délai de grâce après 23h00, il ne semble pas avoir été clairement spécifié si ce délai de grâce devait être l'heure entière de 23h00 à 24h00 ou seulement la demi-heure de 23h00 à 23h30. Étant donné que cette hypothèse entraîne une différence considérable sur l'effet dudit couvre-feu, la présentation des données est commentée selon les trois possibilités: aucun délai de grâce, un délai de grâce de 30 minutes et un délai de grâce d'une heure.

Les données soutenant ce document sont disponibles sur le site Web d'ARAG et peuvent être accédées à l'adresse URL suivante:

www.aragge.ch/CRINEN

Elles comprennent des informations sur tous les mouvements d'avions à réaction ou  turbopropulseur durant 2009 et l'hiver 2010, ainsi que des copies d'horaires officiels pour les mêmes périodes.

2. Résumé

Selon ARAG, avancer le couvre-feu à 23h00 est la mesure la plus importante à prendre. La situation actuelle, dans laquelle les compagnies aériennes peuvent opérer jusqu'à 0030 sans - ou avec peu - de pénalité, est injuste pour les riverains de l'aéroport. Ces derniers devraient avoir le droit à une pleine nuit de sommeil sans devoir faire insonoriser leurs résidences et fermer les fenêtres de leurs chambres à coucher chaque nuit.

Les implications pratiques d'un couvre-feu avancé, à 23h00 au lieu de 24h00, tout en maintenant un délai de grâce de 30 minutes ou 60 minutes, sont analysées par rapport aux principales catégories d'atterrissages ou décollages tardifs. Ces mouvements peuvent être segmentés entre vols commerciaux réguliers de compagnies aériennes classiques ou low-cost, vols transportant exclusivement des marchandises et divers autres atterrissages et décollages.

En considérant ces implications, l'analyse tient compte des différents arguments avancés dans les observations d'EMPA,  SH&E et AIG – militant contre toute modification du couvre-feu actuel de minuit. Elle démontre clairement que même ceux de ces arguments qui auraient pu  être valables par le passé ne suffisent pas aujourd'hui à produire les conséquences économiques aussi prétendument désastreuses.

Concernant les atterrissages, un argument de principe avancé dans le rapport de SH&E était:

Si les derniers vols en provenance de hubs ne pouvaient pas atteindre Genève avant les heures prolongées de couvre-feu, ces vols seraient annulés.

Tous les vols de retour des hubs, à l'exception du vol tardif de Swiss en provenance de Zurich et un retour - durant l'été seulement - par TAP en provenance de Porto (hub que l'on peut qualifier de faible importance), sont planifiés bien avant 23h00 et sont très ponctuels. Quant au vol depuis Zurich, Swiss en opère un autre plus tôt dans la soirée (à 2035) qui correspond à l'horaire normal pour les vols de retour de hubs. Le vol tardif est donc en réalité un vol interne spécial pour des voyageurs d'affaires suisses, et devrait bénéficier d'un traitement particulier.

Le retour, sur leur dernière rotation, des différents avions d'EasyJet Switzerland, dénote une regrettable tendance au retard. Bien que tous soient planifiés pour atterrir bien avant le vol Swiss en provenance de Zurich, en pratique un avion au moins d'EasyJet atterrit souvent plus tard. Ainsi, pour le mois de mars 2010 les statistiques le relèvent sur 22 des 31 nuits (et ce malgré plusieurs retours d'EasyJet qui, quoique planifiés, n'ont pas eu lieu). Dans tous les cas, EasyJet Switzerland se doit d'améliorer son historique lamentable de retards (pour se rapprocher de sa maison-mère): un abaissement progressif du couvre-feu serait une bonne incitation.

Un couvre-feu à 23h00 ne poserait quasiment aucun problème pour les décollages régulièrement planifiés, presque tous l'étant avant 22h00. Les seuls cas difficiles pourraient être le vol habituel d'Air Mauritius, s'il continue à être planifié après 22h00 durant la période d'hiver, ainsi qu'un petit nombre de décollages en retard de jets d'affaires, dont les opérateurs défendraient sans doute avec vigueur leur droit de permettre à une clientèle privilégiée de planifier un départ jusqu'à minuit. Ni l'une ni l'autre de ces situations ne peuvent justifier de conserver le couvre-feu à minuit.

Il est donc évident que le couvre-feu à 23h00 proposé par l'ARAG, avec un délai de grâce d'une heure initialement, s'abaissant par la suite à 30 minutes, complété par une dérogation pour le vol Swiss interne en provenance de Zurich, est entièrement faisable.  Il contribuerait considérablement à une plus longue période de calme la nuit pour les milliers de riverains de l'aéroport.

3. Les données actuelles sur les atterrissages tardifs

Dans le rapport EMPA, les scénarios 1 et 2 du tableau 3-1 détaillent les mouvements d'avions lourds en 2005. La différence entre le nombre de mouvements dans les deux scénarios représente vraisemblablement les mouvements planifiés après 23h00, comprenant probablement ceux qui ne figurent pas dans les horaires des lignes aériennes régulières de Genève, et qui pourraient être maintenus en tant que situations spéciales (vols d'états, médicaux et autres dérogations particulières), en nombre plutôt limité.

Le rapport SH&E inclut dans le tableau 7.1 leurs prévisions sur les atterrissages en 2015. Il n'est pas évident, comment ces prévisions ont été établies. Les prévisions sur les atterrissages dans les tranches horaires entre 23h00 à 2359 (1897) et entre 24h00 et 0559 (180) sont particulièrement cruciales, puisqu'elles sont ensuite utilisées pour prévoir le nombre de vols annulés et les schémas de bruit pour la première heure nocturne de 22h00 à 23h00. Comme les récents événements économiques l'ont démontré, de telles prévisions risquent toujours d'être rendues obsolètes par des facteurs imprévus, limitant la portée des conclusions y relatives. Il convient plutôt d'examiner comment la situation actuelle pourrait s'adapter aux conditions du couvre-feu proposé.

A l'exception de l'atterrissage tardif du dernier vol Swiss de Zurich, et celui légèrement moins tardif de Porto (seulement durant la période d'été) - qui a d'ailleurs un historique impressionnant de  ponctualité -  quasiment aucun atterrissage n'est régulièrement planifié après 23h00. Un nombre significatif de tels atterrissages se produit cependant, en grande majorité des vols d'easyJet Switzerland sur leur rotation finale du jour et qui ont accumulé beaucoup de retard. Les courbes de distribution des delais et des graphiques de distribution de ces retards illustrent bien le décalage entre EasyJet Switzerland et les compagnies aériennes classiques, et même par rapport à sa maison-mère au Royaume-Uni. Il semble pas y avoir de raison inhérente pour laquelle EasyJet Switzerland ne puisse pas élever sa ponctualité au niveau d'easyJet UK, ce d'autant que l'AIG a récemment publié des graphiques démontrant que les retards à cause de la gestion du trafic aérien (Air Traffic Flow Management : ATFM) à l'aéroport de Genève et ailleurs sont constamment réduits, à un niveau où ils ne devraient normalement pas affecter de manière significative les mouvements d'avions.

Dans les sections suivantes sont présentées des statistiques extraites des données réelles de la période d'horaire d'été (30 semaines) de 2009. Même si des statistiques semblables pouvaient être présentées pour les périodes d'hiver (22 semaines) de 2009 ou de 2010, l'interprétation aurait été plus difficile en raison des fréquentes périodes d'intempéries. Le fait que les horaires puissent changer considérablement pour accommoder les besoins particuliers durant les fêtes de fin d'année compliquerait aussi l'analyse.

3.1 Atterrissages tardifs planifiés de compagnies aériennes classiques durant l'été 2009

Il s'agit principalement des derniers vols-retour de hubs, qui sont presque toujours planifiés à ou avant 22h00. Il n'y a donc aucune probabilité qu'ils soient annulés dans le cas d'un couvre-feu à 23h00, contrairement à ce qu'affirme le rapport SH&E.

Avec un délai de grâce d'une heure, seul un très petit nombre d'atterrissages après minuit auraient été affectés – dont un atterrissage d'urgence d'un avion de Lufthansa, deux atterrissages non identifiés de Baboo un samedi soir, et huit atterrissages planifiés après 23h00. Ces derniers seraient replanifiés (à moins que les deux atterrissages Swiss en provenance de Zurich obtiennent une dérogation).

Dans l'hypothèse d'un délai de grâce est de 30 minutes seulement, il convient d'examiner également les atterrissages entre 23h30 et 24h00. Il y a eu 51, dont 6 planifiés avant 22h00, 15 entre 22h00 et 23h00, 27 entre 23h00 et 23h30 (15 de Zürich, 7 de Porto), et 3 inconnus (deux Baboo, un Iberia). Il en découle que si le vol Swiss en provenance de Zürich est considéré comme un cas spécial et que celui venant de Porto (TP942, planifié à 23h15 en été, mais n’ayant pas lieu en hiver - donc pas réellement un retour de hub important) est légèrement avancé, alors un couvre-feu entre 23h00 à 05h00, avec un délai de grâce de 23h00 à 23h30, ne présenterait pas de contrainte majeure pour les compagnies aériennes classiques.

3.2 Atterrissages tardifs d'EasyJet Switzerland durant l'été 2009

En analysant les atterrissages enregistrés des avions d'EasyJet, il convient de rappeler que, sur un nombre significatif de jours, un ou plusieurs atterrissages planifiés d'easyJet ont pu avoir été annulés, parfois même la rotation complète (aller et retour).

Il y a eu 39 atterrissages après minuit de vols d'EasyJet Switzerland durant l'été 2009. Leurs horaires effectifs d'atterrissage ont varié entre une minute après minuit jusque légèrement au-delà de 00h30, pour des horaires planifiés entre 19h30 et 23h10. Les pires jours de la semaine ont été le samedi (9 atterrissages) et le dimanche (7 atterrissages). A une occasion (le 13 juin), il y a eu trois atterrissages après minuit.

Entre 23h30 et 24h00 il y a eu 142 atterrissages, dont 9 planifiés entre 23h00 et 23h10. La grande majorité de ces atterrissages (100) étaient planifiées entre 22h30 à 22h59. Ce manque de ponctualité n'est pas brillant.

En somme, EasyJet Switzerland devrait apprendre à mieux adhérer à leur horaire affiché !

3.3 Autres atterrissages tardifsdurant l'été 2009 (essentiellement des vols d'affaires)

Des sept atterrissages dénotés après minuit, six s'expliquent clairement par des raisons médicales, l'autre étant une compagnie opérant des petits jets d'affaires.

Des 35 atterrissages entre 23h30 et 24h00, tous sauf deux sont des petits jets d'affaires. Ceux-ci ne peuvent pas constituer un argument sérieux contre un couvre-feu à 23h00 avec un délai de grâce de 30 minutes.

4. Les données actuelles sur les décollages tardifs

Les doutes émis ci-dessus sur la validité des prévisions de nombre d'atterrissages en 2015 s'appliquent également aux prévisions de nombre de décollages dans les tranches horaires entre 23h00 et 23h59 et entre 24h00 et 05h59 (tableau 7.2 du rapport de SH&E).

4.1 Décollages tardifs de compagnies aériennes classiques durant l'été 2009

En préambule, il faut noter que pour l'été 2009 les horaires de ces compagnies aériennes n'affichaient qu'un vol partant après 22h00 : le FHE244 vers Reykjavik, opéré par Fly Hello et planifié chaque samedi à 23h00 dès le 6 juin. Il ne semble y avoir eu que 7 vols détectés pour cette compagnie qui pourraient avoir été ce vol, dont 6 ont en fait décollé avant 23h00.

Pour le reste, les seuls cas de décollagesau-delà de 23h00  n'étant pas des incidents isolés (qui se produiront toujours, quelles que soient les spécifications de couvre-feu) sont quelques vols vers l'Afrique du Nord (Atlas Blue, Royal Air Maroc et Swiss) et le vol d'Air Mauritius (en retard de plus d'une heure en moyenne). On peut se demander si les vols vers l'Afrique du Nord sont assez importants pour obtenir des dérogations. Pour le vol d'Air Mauritius une dérogation serait quasi-automatique (trop grand pour être retardé !).

Au final, il est cependant évident que des 571 décollages enregistrés, plus de 500 étaient  prévus avant 22h00 – ce qui semblerait tout à fait compatible avec un couvre-feu à 23h00 avec un délai de grâce de 30 minutes.

4.2 Décollages tardifs d'EasyJet durant l'été 2009

L'examen des décollages après 23h00 révèle deux vols spécifiques d'EasyJet particulièrement sujets à des retards au décollage. Le vol EZY2058 (indicatif d'appel EZY58Z) vers Luton est clairement le dernier vol des rotations contrôlées par EasyJet UK et tend à être le dernier départ de cette compagnie. Plus étonnant, à première vue, est le vol EZS8477 vers Londres Gatwick, puisque cet avion devrait en principe revenir ensuite à Genève avec le numéro de vol EZS8478. L'explication est que la suivante: lorsqu'EasyJet Switzerland a une pénurie d'avions, la compagnie peut utiliser un avion d'EasyJet UK en provenance de Gatwick, pour l'aider dans ses rotations quotidiennes de Genève, avant de retourner à Gatwick en remplacement du vol Genève-Gatwick. Ceci peut occasionner un retard supplémentaire en fin de journée.

Il s'avère donc que tous les décollages tardifs d'avions EasyJet sont en réalité des vols d'EasyJet UK.

4.3 Autres décollages tardifs durant l'été 2009

Pour la période après 23h30, et exceptée les vols pour raisons d'État ou médicales, le seul cas des décollages répétés d'une seule compagnie concerne NetJets (5 décollages). A eux de convaincre leurs clients que les décollages aussi tardifs de jets privés prétéritent le sommeil de milliers de riverains !

Il est connu que quelques décollages ont été planifiés après 22h00, mais leur nombre réel n'est pas disponible à ARAG : toutes nos requêtes auprès de l'AIG sur cette problématique sont restées vaines. L'élément frappant dans les statistiques est que les décollages imprévus, presque toujours de jets privés, représentent seulement environ 20% des décollages après 22h00, mais presque 40% des décollages durant la deuxième heure, soit entre 23h00 et 24h00 (49 sur un total de 131). Ceci laisse penser que soit ils sont planifiés après 23h00, soit leurs passagers ont du mal à arriver à l'aéroport de Genève avant 23h00.

5. Réponse probable des compagnies aériennes à un couvre-feu dès 23h00

Il n'est pas réaliste d'envisager un couvre-feu de nuit plus tôt que 23h00, avec un délai de grâce de 30 minutes ou d'une heure.

La compagnie qui serait principalement affectée est clairement EasyJet Switzerland, qui devrait soit élaborer des vols et des planifies de rotation d'avions moins sujets aux retards (qui satisferaient sans aucun doute leurs clients), soit trouver une bonne manière d'obtenir l'assistance d'avions basés ailleurs, probablement à Gatwick. Il n'y a aucune raison évidente pour laquelle ceci ne serait pas réalisable, même si ce n'est pas le cas avant les horaires de 2010/2011 ou 2011.

Les compagnies aériennes classiques, qui respectent bien mieux leurs horaires, auraient très peu de cas problématiques à traiter, puisqu'elles n'ont aujourd'hui déjà que de rares vols planifiés après 23h30. L'exception est le dernier vol Swiss en provenance de Zürich, arrivant normalement à environ 23h15. Il ne s'agit pas d'un vol-retour de hub standard: lesdits vols quittent habituellement les hubs en début de soirée, comme le fait le précédent vol Swiss en provenance de Zurich. Il s'agit plutôt d'un vol pour permettre aux voyageurs internes à la Suisse de rentrer tard d'une journée à Zurich.

S'agissant de l'aviation d'affaires, certains clients souhaitent vraisemblament voler tard dans la nuit – mais on peut imaginer qu'avec des explications et un peu de bonne volonté, ils accepteraient d'éviter atterrissages ou décollages particulièrement tardifs.

6. Conclusion

Les arguments et les statistiques sur la situation actuelle ne mettent en évidence aucune raison réellement valable pour laquelle un couvre-feu à 23h00, avec un délai de grâce de 60 minutes initialement, réduit plus tard à 30 minutes, ne puisse être adopté.

7. Références 

Evaluation de limitations supplémentaires des vols nocturnes sur l’Aéroport de Genève, Calculs et analyses du bruit, EMPA Nr. 445'300, 8 juin 2007

Evaluation de restrictions opérationnelles supplémentaires pour les mouvements nocturnes à l’Aéroport International de Genève.

Préparé pour Aéroport International de Genève par SH&E, Inc., Mai 2007

Observations pour Aéroport International de Genève, Me Olivier Jornot, 5 octobre 2007, OFAC reference 3561/3/31/31-06